Synopsis de Isle of dogs
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Dans un futur proche, le maire d’une ville japonaise fait déporter tous les chiens, en se servant du prétexte de la grippe canine dont ils sont affectés. Les chiens sont emmenés vers une île poubelle, où ils sont condamnés à lutter pour leur survie. Mais un pré-adolescent, Atari, est prêt à tout tenter pour sauver son chien.
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Mon avis sur Isle of dogs
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Quoi Daphné, vas-tu réellement consacrer un article entier a un film d’animation avec des chiens ? Ben oui ; tout simplement parce que c’est un des meilleurs films que j’aie vu ces dernières années. Attention, mettons les choses au clair tout de suite : Isle of dogs est un film d’animation qui n’est pas destiné aux enfants. Ici, il est question de nos choix individuels dans une société totalitaire, de la manière dont on traite les parias, du courage qu’il faut pour s’opposer à l’ordre établi et du pardon nécessaire pour reconstruire un avenir commun.
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Le choix de l’animation pour traiter de sujets graves
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Certes, on a vu plus fun comme thème ; mais Wes Anderson réussi l’exploit d’aborder toutes ces questions avec élégance et drôlerie. Avec son regard si doux, il nous fait voir toute la tendresse qu’il y a dans le regard de ces chiens déportés, crevant la dalle, réduits à lutter pour leur survie cette île poubelle, vestige de la mégalomanie des hommes.
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Si Isle of dogs n’est clairement pas destiné aux petits, il s’adresse directement à l’enfant qui sommeille en nous. Atari, le petit pilote de 12 ans qui pique droit en avion vers l’île des chiens pour sauver le sien, c’est nous. Nous si nous ne laissions pas gagner par le doute, la peur et la résignation. Atari est venu sur l’île pour sauver son chien et il ne repartira pas sans lui.
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Tandis que sur le continent, les adultes, absorbés par leurs problèmes d’adultes, se soumettent à la déportation de leurs chiens autrefois adorés sans poser de question, les enfants cherchent à comprendre ce qui peut bien se cacher derrière ce besoin soudain de se débarrasser de leurs compagnons.
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Le stop motion pour apporter un supplément d’âme
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Si le fond de ce film est âpre, Wes Anderson réussit à créer un univers d’une telle poésie que toute la douceur du monde explose sur l’écran. A l’heure de la 3D qui lisse tout, des films marketés comme des produits destinés à plaire au plus grand nombre, il a choisi une voie complètement à contre-courant, optant pour le stop-motion rehaussé de quelques séquences d’animation à la main.
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Cette technique « à l’ancienne », consiste à créer des personnages en 3D, qu’on met dans un décor construit à leur taille et bouge image par image pour donner l’impression de mouvement. Le stop-motion est par exemple utilisé par les studios Aardman pour faire Wallace et Gromit ( d’où cette apparence de pâte à modeler animée ). Cette technique donne un charme unique à Isle of Dogs. Mais compte tenu de la complexité des décors et nombre de personnages – certaines scènes comportent des centaines de gens en mouvement – l’équipe d’animateurs n’a pu tourner que 12 secondes de film par semaine, tout en travaillant sur 25 plateaux simultanément.
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Le travail d’artisan de Wes Anderson
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Wes Anderson a porté ce film pendant 6 ans, pour réaliser un travail d’orfèvre, où chaque décor est un délice à regarder. C’est une explosion de détails, un hommage aux maîtres de l’animation, gravure, calligraphie japonaise qui se dessine dans ces décors extravagants. Cet univers est profondément Andersonien, pourtant on y reconnait les clins d’oeil à Miyazaki ou Hokusai. C’est toute la force de Wes Anderson : arriver à chaque fois à se plonger dans un nouvel univers duquel il respecte les codes, mais en y apportant toujours sa patte personnelle, reconnaissable entre toutes.
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Ce qui est le plus surprenant dans Isle of dogs, c’est que malgré l’extrême minutie de la forme, elle sert toujours le fond ; rien n’est en trop, il n’y a ici aucun effet de manche pour bluffer le spectateur. Le cinéma de Wes Anderson est celui d’un artisan, profondément honnête et humble, entièrement dévoué à son public.
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Une bande-son impeccable
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On résume souvent Wes Anderson à son sens du cadrage, style de décors. Mais c’est oublier qu’il porte aussi une attention toute particulière au son. Pour Isle of dogs, tout le travail d’animation à commencé par l’enregistrement des voix des acteurs qui incarnent les personnages. Ensuite, les animateurs se sont calqués sur la bande-son pour coller au juste aux intonations et expressions. Cette manière de travailler tout à fait inhabituelle donne un grand naturel aux scènes. De nombreuses scènes ont aussi été enregistrées en japonais, non sous-titré.
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Ce choix qui semble déroutant au premier abord se révèle finalement très pertinent : on se retrouve dans la même situation que ces chiens déportés sans comprendre pourquoi, réduits à regarder les mimiques et déchiffrer les éclats de voix pour comprendre ce qui leur arrive. Enfin, la musique d’Alexandre Desplat accompagne l’action avec une grande sensibilité : collaborateur récurrent de Wes Anderson, ce compositeur français a encore une fois ciselé une musique originale qui souligne l’action sans jamais tomber dans les clichés, ni prendre le pas sur l’image.
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Isle of dogs , mon coup de coeur
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Bref, Isle of dogs est un film que vous recommande vivement. Même s’il ne leur est pas destiné, je pense qu’il plaira à des enfants à partir de 10 ans. Et s’il vous plait, voyez-le en VO pour profiter vraiment de l’incroyable travail qui a été fait sur les voix. En français, vous perdez cette fraîcheur.
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PS : nous faisons un échange de maison à Amsterdam jusqu’à jeudi. En attendant de faire un compte-rendu de notre voyage ici, vous pouvez me suivre sur instagram , où je sévis quotidiennement.
17 Commentaires
24 avril 2018 11 h 17 min
J’ai ADORÉ lire ce compte-rendu, Daphné… Grand merci d’avoir pris le temps de nous partager si bien ce film. Je n’ai qu’une hâte, désormais, c’est d’aller m’asseoir dans un fauteuil de cinéma ! De ce côté de la Terre, le film sera forcément en VO…
J’en profite pour vous dire un grand merci pour tous vos partages sur ce blog, qui me touchent et m’intéressent à chaque fois que je vous lis.
À bientôt!
Merci Léa; j’aime les films de Wes Anderson depuis longtemps et j’attendais celui-ci avec un peu d’appréhension. Il aborde une thématique beaucoup plus âpre que dans ses films précédents et je me demandais comment il allait retranscrire l’univers japonais. J’ai vraiment été bluffée, il a su utiliser intelligemment l’animation pour donner du souffle et de la poésie à son film, rendre la relation qui se noue entre le jeune homme et les chiens encore plus humaine. Bref, c’est une belle leçon de cinéma !
Mais alors, dans quel pays envisages-tu de le voir ? Es-tu down under en plein automne ? JE sais, je suis curieuse ;-) .
24 avril 2018 14 h 00 min
Roooh dis, tu m’as donné envie d’aller le voir avec cet article si finement écrit, merci !
Je pense qu’il te plairait Camille; il y a dans Isle of dogs ce juste mélange de fantaisie et de conscience qui te ressemble beaucoup. De plus, je crois savoir que tu es lectrice de romans graphiques, et ça correspond tout à fait au déroulé du film, structuré en chapitres.
24 avril 2018 17 h 32 min
J’ai complètement flashé sur l’affiche aperçue dans un abri-bus la semaine dernière ! Et hop sur la liste. Nan parce qu’avant on va voir l’histoire du créateur de WonderWoman ! On a des priorités dans la vie !
PS : vu la semaine dernière He won’t get far on foot, le dernier Gus van Sant : une énorme claque !!!!!
J’adore l’affiche, si finement composée. On devine déjà la solitude de ce garçon et des chiens, la richesse des décors.
Purée, il faut que je me renseigne sur ces deux films; mais alors, as-tu aimé My wonder woman ?
25 avril 2018 10 h 38 min
Merci d’avoir fait ce billet. Un film d’animation pour adultes, pas trop intéressée. Mais ton enthousiasme m’a convaincu d’aller le voir.
En lisant le commentaire de Melmelboo plus haut, j’ai enfin compris à quoi Isle of dogs m’a fait penser ; un roman aux illustrations si finement composées. On est très, très loin de l’univers habituel des films d’animation. Grâce a ce procédé, Wes Anderson a réussi à insuffler la poésie nécessaire pour trouver la distance nécessaire avec le propos du film, assez dur.
25 avril 2018 21 h 13 min
Ton billet m’a tellement donné le goût de voir ce film, que j’en ai tout de suite chercher la bande annonce sur la Toile. C’est inévitable, je dois le voir ! Merci de savoir si bien en parler.
Si tu as envie d’en voir plus Fabienne, les making of sont bluffants :
https://www.youtube.com/watch?v=QrBvVOoQXCA
et permettent de mieux comprendre le boulot d’équipe qui se cache derrière chaque seconde de film.
26 avril 2018 15 h 42 min
Vendu !!!!!! Sans ton article, jamais je n’aurai eu l’idée de voir ce film.
Je viens de passer 1/2h à voir des extraits, les making of (grâce à ton lien) (et il faut que je progresse en anglais) (c’est pas gagné !!!!) et wouah, je veux le voir (et adopter tous les chiens).
En VO, of course :-; surtout lorsqu’apparait la liste des acteurs qui « jouent » :-)
Merci d’avoir si bien su retranscrire ton enthousiasme !
J’ose avouer qu’avant de le voir, vais enquêter pour savoir si Atari retrouve son ami poilu (bah oui, j’aime les Happy Ends :-) )
C’est dingue, non ? Ce boulot de titan, cette minutie jusque dans le moindre plan pour faire surgir la poésie, et créer un monde si proche, et à la fois loin de nous.
Oui, j’ai oublié de le noter dans l’article mais les making of montrent bien que l’apparence de chaque chien a été conçue dès le départ en fonction de la voix et de l’intonation de l’acteur qui l’incarne.
Je te rassure, sans te déflorer la fin tu peux y aller sans crainte ;-) .
26 avril 2018 22 h 25 min
Fantastique! Quel travail! Ça me donne encore plus le goût d’aller le voir!
Oui, c’est un boulot monstre qu’il fallut pour faire surgir la magie sur l’écran. C’était un boulot si minutieux qu’ils ne tournaient qu’une poignée de secondes par semaine.
27 avril 2018 9 h 36 min
J’ai très hâte de voir ce film! Et oui je suis d’accord avec toi pour les bandes sons des films de Wes Anderson! D’ailleurs, je vais voir Seu Jorge au théâtre de la mer en juillet qui joue la BO de « La vie aquatique ». Tu connais? cet album fait partie de mes préférés de tous les temps! Il y reprend les standrad de Bowie version bossa. Je fonds!!!! Je ne sais pas pourquoi il fait cette tournée si longtemps après la sortie du film mais quelle belle surprise! Je fonce! Et d’ici là j’irai bien sûr voir l’ïle aux chiens. Merci pour ton article! La vie est tellement riche en ce moment que je ne prends pas toujours le temps de faire coucou mais je te lis toujours avec plaisir.
Oui Ecoquillette; on parle souvent de la manière dont Wes Anderson filme, de ses plans symétriques et décors. Mais c’est son sens du rythme qui pour moi prédomine dans son cinéma – et la musique joue un rôle essentiel. On sent que ce n’est pas juste plaqué, mais que la musique est là dès le début du projet.
Les chansons de Bowie façon Bossa Nova dans la Vie aquatique reflètent bien le côté complètement décalé de Zissou; il y à la fois le côté cartésien, et puis cette douce mélancolie teintée de rêve d’aventure qui passe si bien dans la voix de Seu Jorge. Ça fonctionne merveilleusement bien, et fait partie intégrante du film. Quelle chance d’aller le voir au théâtre de la Mer, ce lieu est tout simplement magique !
3 mai 2018 22 h 49 min
Ce matin, après avoir lu ton article , j’ai regardé avec Sam la BO de Isle of dogs en VO, on a très envie d’aller le voir. Il n’est pas joué dans ma ville ni les petites villes alentour, du coup, on va attendre qques mois. Je me console, car sans ton article je crois que je serais passée à côté. Comme j’avais failli passé à côté de « Ma vie de Courgette » , une autre histoire, un autre procédé, mais purée quelle claque aussi ce film! L’animation a tellement évolué, ces artistes parviennent à nous transmettre des émotions, des idées si fortes …